Salvador-lundi 11 septembre 2006

Publié le par Virginie et Simon


  Salvador de Bahia

Cours de cuisine bahianaise

 
















Michela et Viviana. Salvador de Bahia.


8h00. Vanià tape à la porte de la chambre pour nous réveiller. On s’est couché un peu tard ou tôt, selon les points de vue, bé oui, le monde, ça ne se refait pas en 2 minute ! Vanià m’emmène à pas de loup vers la chambre de Cidinha qui est déjà au travail. Deux petites poupées de la couleur du soleil, avec leurs tresses en palmier partout sur la tête, me font un grand sourire timide.

Vanià, super fière : « ce sont mes filles !!! La petite de 3 ans c’est Michela et la grande de 7 ans c’est Viviana. »















Vanià sort toutes les courses qu’elle a faites pour le grand repas typiquement bahianais : le caruru. Le caruru est composé d’une multitude de plats différents. Ce genre de repas ne se trouve pas dans les restos, mais dans les fêtes de famille, les fêtes entre copains, bref, quand il y a du monde pour engloutir autant de plats. Vanià nous explique qu’en réalité, le caruru est le nom d’un plat à base de gombos, de lait de coco et de dendê, une huile de palme rouge vive au goût très particulier. Mais quand un bahianais vous dit « on va manger un caruru », c’est beaucoup plus profond que ça ! Vous avez droit au caruru, le plat, à la vatapà (une purée épaisse de noix de cajou, cacahuètes et crevettes séchées), à une moqueca de peixe (poisson cuit dans du lait de coco et du dendê), du riz, forcément, et des feijao (haricots secs) mélangés à toute sorte de condiments.

 
















Simon, Vanià, Michela et Viviana.
Le dendê dans la bouteille rouge et le lait de coco dans la bouteille blanche.


Nous commençons notre apprentissage à 10h00 du matin et nous le terminons à 16h00. Ça se mérite un caruru, vous savez ! C’est pas compliqué, mais quel savoir faire et quelle patience ! On ne va pas rentrer dans les détails ici, car nous avons décidé qu’après notre retour, nous ferions une page spécialement consacrée aux recettes que nous avons recueillies à travers le Brésil. On était venu avec l’ambition d’être mestre de capoeira on repart chef cuisto 15 étoiles finalement. Mine de rien, on en a un paquet de recettes maintenant.

Celle d’aujourd’hui, nous la nommerons : « caruru mode Vanià ». Elle en aurait pleuré quand on lui a dit ça !

C’est excellent, divin, mais ça sera notre seul et unique repas de la journée. Le mélange lait de coco et dendê, c’est pas vraiment ce qu’il y a de plus léger au monde.




























Michela. Salvador de Bahia.

Pendant que Vanià et Simon cuisinent, je m’occupe des petites qui sautent et grimpent partout, escalade en moins de 2 secondes la rambarde du balcon parce qu’elle voit leur beau-père travailler dans le jardin, effeuillent « délicatement » les plantes si précieuses de Cidinha, visitent et revisitent toutes les pièces de l’appartement. Les gamines se moquent éperdument de ce que je dis et de mes essais d’autoritarisme « On ne bouge plus, en rang, venez on lire une histoire, faire un dessin… ». Je n’ose plus dire à Vanià qu’il faut qu’elle intervienne, car je m’y suis essayée par 2 fois et les 2 fois, Vanià n’a pas cherché à comprendre quoi que ce soit et les petites se sont pris 2 fessées mémorables. Les petites ont pleuré tout leur saoul pendant 1/2 heure puis bien sûr, voyant que Vanià était de nouveau occupée, elles recommençaient aussitôt. Les seuls moments de répit est quand j’ai réussi à les faire dessiner et manger. Sinon, impossible de les faire se concentrer sur quoi que ce soit. La grande ne sait ni lire ni compter, la petite ne fait pas encore de dessin. Elles ne vont pas à l’école... (à 3 ans et 7 ans). Comment faire comprendre à Vanià qu’il est primordial qu’elle emmène ses filles à l’école tous les jours ? Elle nous dit qu’elles vont bientôt y aller, comme on dirait « tiens je vais m’acheter une laitue pour ce soir ». La nouvelle rentrée étant au Brésil en février. Espérons qu’elle fasse ce qu’elle dit.















Viviana.
Salvador de Bahia.

De son côté, Simon écoute Vanià qui explique de 10 manières différentes tout ce qu’elle prépare. Qui lui racontent plein d’histoires de sa vie liées à ces plats de famille ou à la vie bahianaise tout simplement.

Nous dégustons le délicieux caruru mode Vanià.

Puis nous allons digérer dans les jardins de l’immeuble là où il y a une aire de jeux pour les enfants. Au début, Vanià est très embêtée quand on lui propose de venir avec nous. Nous avons besoin de prendre l’air, ses filles aussi. Elle accepte à reculons. On comprend vite pourquoi.

 












Vatapa.


D’autres fillettes d’environ 6-7 ans sont en train de jouer dans l’aire de jeux elles aussi. En voyant les filles de Vanià, elles partent et reviennent avec leurs mères respectives qui interdisent aux fillettes de jouer tant que Viviana et Michela sont là. La situation est terrible. Les 2 femmes nous toisent haineusement, regardent Vanià avec un mépris emprunt d’un racisme palpable à vomir. Elles sont là sur le muret qui entoure l’aire de jeux, à attendre notre départ. Avec Simon et Vanià, nous nous asseyons sur un banc le temps que les fillettes jouent et vident leur plein d’énergie. C’est décidé, on ne partira pas de ce banc avant la tombée de la nuit vers 17h30. Vanià nous dit que c’est tout le temps comme ça. Au Brésil, les gens sont très racistes, d’un côté comme de l’autre. pas besoin de dessin. On l’aura compris.

 













Poisson au dendê.


Le lendemain, Cidinha m’expliquera que le problème était certainement bien plus un problème de hiérarchie que de couleur, car ces fillettes sont les filles d’un employé du condominio (qui travaille dans les jardins) et pour ces gens, « on ne joue pas avec les enfants des employés ». Je pense sincèrement que la couleur de peau y était pour beaucoup, car les fillettes ne pouvaient pas savoir de qui Viviana et Michela étaient les filles d’un employé vu qu’elles venaient ici pour la 1ère fois.


 












Haricots aux condiments du caruru.


Quelle horreur… Cela existe partout, c'est sûr mais à ce point... Surtout venant de gens d’une catégorie sociale moyenne. Mais Cidinha nous dit qu’au Brésil, cette classe moyenne, qui existe bien, est malheureusement souvent la pire. C’est celle qui se prend pour une « classe riche », pour « l’élite », dans le mauvais sens du terme.

Cidinha est issue elle aussi de la classe "pauvre".  Elle parle sûrement en connaîssance de cause.

 















Simon et Vanià à la cuisine.


Nous rentrons donc à l’appartement. Entre temps, Cidinha est rentrée du travail. Nous avions parlé avec Cidinha de : « est-ce qu’on donne de l’argent à Vanià pour cette journée qu’elle nous a consacrée ou non » ? Délicat, car pour Vanià, c’est un cadeau qu’elle nous fait. Et en même temps, elle a vraiment besoin d’argent. Nous avons une idée : le 12 octobre, ce sera son anniversaire, nous lui mettrons dans une enveloppe l’équivalent d’une journée de travail et nous lui écrirons une lettre en retour de la sienne.























Salvador de Bahia.

 

Lorsque Vanià ouvre l’enveloppe et qu’elle voit l’argent, comme prévu, elle ne le prend pas bien. Son visage se ferme en un instant et elle nous accuse du regard en disant « porqué » ?

On lui répond que c’est pour son anniversaire car on ne sera plus là. Alors là, elle éclate de joie ! On a tellement l’impression que ce n’est rien comparé à ce qu’elle a fait pour nous.

Vanià nous demande combien coûte un billet d’avion et dit à son compagnon, lorsqu’il vient la chercher le soir, qu’elle aimerait bien économiser pour un billet aller-retour juste pour elle. Le pauvre… apparemment il gagne 120 euros par mois, lesalaire minimum brésilien. Il commence à compter les années d’économie que ce serait pour lui et préfère en rire.

Mais quoiqu’il en soit, Vanià est décidée à venir « voir » la France.













Salvador de Bahia.







 

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